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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

dans un puits de quatre-vingts mètres. Ils étaient dans les catacombes. Comme ils ne reparaissaient pas, on fit descendre des tambours qui firent le plus de bruit qu’ils purent avec leurs peaux d’âne. Mais, dans les catacombes, comme la voix ne porte pas, nul ne répondit au roulement. On fit des recherches. Au bout de quarante heures, on les trouva mourants dans un cul-de-sac.

» — Ils n’avaient pas de résistance morale, dit Théophraste.

» — C’étaient des imbéciles, ajoutai-je. Quand on est assez bête pour s’égarer dans les catacombes, on ne mérite aucune pitié, je dirai même aucun intérêt.

» Là-dessus, Théophraste me demanda comment je ferais, moi, pour ne pas m’égarer dans les catacombes. Comme nous arrivions à un carrefour, je pus lui répondre sans tarder.

» Je lui dis :

« — Voici deux galeries ; laquelle allez-vous prendre ?

» L’une s’éloignait presque directement de notre point de départ ; l’autre y revenait presque sûrement ; comme notre dessein à nous était de nous éloigner de notre point de départ, M. Longuet me montra la première galerie.

» — J’en étais sûr ! m’exclamai-je. Mais vous ignorez donc tout de la méthode expérimentale ? La méthode expérimentale, au fond des catacombes, a démontré, depuis des siècles, que tout individu qui croit revenir à son point de départ (à l’entrée des catacombes) s’en éloigne : donc, il est de toute logique que, pour s’éloigner de son point de départ, il faut prendre le chemin qui paraît y ramener !

» Et nous nous engageâmes dans la galerie qui semblait nous ramener sur nos pas. Comme cela, nous étions sûrs de n’avoir pas fait un inutile chemin !