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TROP DE LUMIÈRE

» Il avait compris ! Mais bien qu’il eût compris, il ramassa encore deux lampes. Je me moquai et nous nous mîmes en route.

» — Où allez-vous ? me demanda-t-il.

» — N’importe où, fis-je, mais il faut aller partout, plutôt que de rester là, puisque là il n’y a aucun espoir. Nous réfléchirons en marchant. La marche est notre seul salut ; mais en marchant sept jours sans prendre de point de repère, nous risquerons tout de même d’arriver quelque part.

» — Pourquoi sans prendre de point de repère ? me demanda-t-il.

» — Parce que, répliquai-je, j’ai remarqué que dans toutes les histoires de catacombes, ce sont toujours les points de repère qui ont perdu les malheureux égarés. Ils mêlaient leurs points de repère, n’y comprenaient plus rien et s’affalaient désespérés. Il faut éviter, dans notre situation, toute cause de désespoir. Vous n’êtes pas désespéré, monsieur Théophraste Longuet ?

» — Oh ! nullement, monsieur le commissaire de police Mifroid. J’ajouterai même que si j’avais moins faim, votre aimable société aidant, je ne regretterais nullement les toits de la rue Gérando. Pour tromper ma faim, monsieur le commissaire, vous devriez bien me raconter des histoires sur les catacombes.

» — Mais certainement, mon ami.

» — Vous en connaissez de fort belles ?

» — De tout à fait belles. Il y a l’histoire du « Concierge » et l’histoire des « Quatre soldats ».

» — Par laquelle allez-vous commencer ?

» — Je vais d’abord vous entretenir, si vous le permettez, mon ami, des catacombes en général ; ceci vous fera mieux comprendre pourquoi il est absolument nécessaire de marcher longtemps pour en sortir.