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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

commence par : « Nous n’avons pas vu le train », et qui finit par : « Donc, il n’y a plus de train ! » Or, moi, je vais vous donner à tenir le bon bout de votre raison. C’est celui-ci : la vérité est que le train existe et qu’il existe entre les point B où on l’a vu passer, A où on ne l’a pas vu passer et i où il aurait pu aller. Puisque nous sommes dans une plaine, votre train est entre A B et i. C’est sûr…

» — Mais !

» — Chut ! Taisez-vous ! Et puisque nous sommes dans une plaine et que dans cette plaine il n’y a qu’un monticule de sable, le seul endroit où le train aurait pu disparaître, en i, le train est dans le monticule de sable c’est la vérité éternelle !…

» — Ça, je jure que non ! J’étais en K, attendant le train, et je n’ai pas quitté la voie hi.

» — Par les chefs-d’œuvre immortels de la Renaissance italienne ! je vous ordonne de ne point lâcher le bon bout de votre raison que je vous ai donné à tenir. Nous discutons en ce moment ce qui est, nous n’en sommes pas encore au comment. C’est parce que vous avez commencé par le comment que vous n’avez pu aboutir à ce qui est. Le train est dans i, puisqu’il ne peut être autre part. Si je suis sûr que cinq hommes n’auraient pas pu le voir passer en B comme ils l’affirment, alors qu’il ne serait pas passé, je suis aussi certain que cinq hommes n’ont pas pu ne pas le voir en A, alors qu’il serait passé ; et puisque la ligne AB, examinée, était vide de train, c’est qu’il s’est engagé sur la ligne hi. Nous voilà donc, avec le train sur la ligne hi.

» — Mais moi aussi j’y suis, s’écrie Théophraste, et je vous jure qu’il n’y est pas !

» — Ah ! le malheureux qui lâche encore le bout de sa raison ! Vous êtes en K ; le train passe en K ; il faut