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LE BON BOUT DE LA RAISON

ces carrières vieilles de mille ans qui croisent, innombrables, leurs capricieux méandres au-dessous du Paris moderne. Je retrouvai ce sentiment, je dirai même cette sensation, accompagnée d’un léger engourdissement douloureux, au réveil qui suivit l’évanouissement où j’avais été plongé par le choc inévitable. J’étais donc dans les catacombes ! Je me dis tout de suite : « Surtout, ne soyons pas vieux jeu ! »

» Il eût été, par exemple, vieux jeu de pousser des cris désespérés, de faire appel à la providence, de se frapper le front contre les parois du souterrain ; il eût été vieux jeu de retrouver au fond de sa poche une tablette de chocolat qui aurait été immédiatement séparée en huit et qui aurait ainsi représenté huit jours de nourriture assurée ; il eût été vieux jeu de découvrir également dans ses poches un bout de bougie et cinq ou six allumettes, et, ainsi, de créer un problème d’une anxiété touchante, où la question de savoir si l’on doit laisser brûler la bougie une fois allumée ou la souffler ensuite, quitte à perdre une allumette, aurait troublé plus d’une digestion autour des tables de famille.

» Moi, je n’avais rien dans mes poches ! Rien ! Rien ! Rien ! Je le constatai tout d’abord avec une évidente satisfaction et, dans les ténèbres des catacombes, je me frappai la poche en répétant : « Rien ! Rien ! Rien ! »

» Je pensai aussitôt qu’il serait « nouveau jeu », pour un homme dans ma situation, d’éclairer sans plus tarder cette nuit opaque qui me pesait si lourdement sur les paupières et qui me fatiguait si singulièrement les yeux ; d’éclairer, dis-je, cette nuit d’une subite et radieuse et victorieuse étoile électrique. N’avais-je point, avant que de tomber dans ce trou, acheté une demi-douzaine de lampes électriques que je balançais en paquet au bout d’une ficelle rouge, quand je re-