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ENTERREMENT SYMBOLIQUE

appliquée contre cette grosse cuve. De là, on aperçoit toute la ligne jusqu’à l’autre station. J’ai vu nos gens qui gesticulaient sur la ligne, mais je n’ai pas vu de train !

— Étrange ! étrange !

— Oh ! tout à fait étrange. Croyez-en mon petit bras jaune !

— Inexplicable !

— C’est-à-dire qu’il n’y a rien de plus inexplicable.

— Si ! Il y a quelque chose de plus inexplicable qu’un rapide qui disparaît avec sa locomotive, sans qu’on puisse savoir ce qu’il est devenu.

— Quoi donc ?

— Mais un wagon sans locomotive qui apparaît sans qu’on puisse dire d’où il vient.

— Oh ! ça…

— Et qui disparaît comme il est apparu… Vous n’avez pas vu passer par là un wagon avec un homme à la portière ?

— Monsieur, fit le sémaphoriste en se fâchant, vous vous moquez de moi. Vous exagérez ! Parce que vous ne croyez pas à l’histoire du rapide annoncé qui ne vient pas ! Mais regardez, monsieur, regardez mon petit bras jaune !

M. Longuet réplique au sémaphoriste :

— Si vous n’avez pas vu le rapide, moi non plus !

Ce « moi non plus », qui ne dit rien à l’esprit du sémaphoriste, répond aux préoccupations intimes de M. Longuet, qui s’éloigne, dans les habits de M. Petito.

M. Longuet a son idée : son malheur est si extrême et si inguérissable qu’il a résolu de mourir… pour les autres.

Avec un peu d’astuce, la chose est possible. Puisqu’il a revêtu les habits de M. Petito, rien ne l’empêche de