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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

phrase naturelle, prononcée par M. le commissaire de police Mifroid, lequel, depuis le lycée, n’a cessé, entre autres sciences, d’étudier assidûment cette partie si importante de la philosophie qui s’appelle logique. Il est bon, à ce propos, de faire cette remarque ici que nous avons dès maintenant toutes les données de cet étrange problème et que nous n’avons plus rien à ajouter au dernier plan.

Théophraste, donc, prostré, descend la voie de garage, arrive à la bifurcation, considère la lentille de l’aiguille, retourne cette lentille qu’il avait détournée, referme le cadenas et en emporte définitivement la clef qui y avait été, quelques jours auparavant, si imprudemment laissée. Il accomplit ce geste parce qu’il le trouve juste, et il remet l’aiguille en place parce qu’il sent bien que sa raison ne résisterait pas à une nouvelle disparition de train.

Toujours mélancolique, il arrive à la station A, désertée. Toute l’équipe est, en effet, à la recherche du train et, seul, le sémaphoriste veille. Théophraste interroge le sémaphoriste qui ne peut que lui dire, en lui montrant le petit bras jaune de son sémaphore :

Le rapide est annoncé et il ne vient pas !

Théophraste insiste.

— On vous a bien annoncé le rapide à la station précédente ?

— Oui, monsieur, et le chef de gare et tous les hommes d’équipe de la station précédente ont vu passer le rapide et nous l’ont télégraphié. Enfin, voyez, monsieur, mon petit bras jaune ! Voyez mon petit bras jaune ! Il n’y a pas de catastrophe possible entre la précédente station et celle-ci ; il n’y a, monsieur, aucun pont, aucun viaduc, point de travaux d’art ! Enfin, que vous dirai-je ? Je suis monté tout à l’heure à l’échelle que vous voyez,