Page:Leroux - La Double Vie de Théophraste Longuet.djvu/256

Cette page a été validée par deux contributeurs.
238
LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

étaient étonnés de voir la sorte de viande blanche qui était suspendue à ce tinet. Ils n’avaient jamais vu une pareille viande blanche et si cette viande était tout à fait arrangée comme un veau, ils se rendirent enfin compte que ce n’était pas de la viande de veau. (Moi, interrompis-je encore, moi, je redoute un grand malheur !)

» — Quel drôle de petit veau ! ne cessait de répéter le petit commis.

» — Ce n’est pas un petit veau ! fit Mme Houdry !… Non ! non !

» — On lui a tout de même « fleuri » la peau du ventre avec la lancette ; voyez, madame, les jolis dessins !… Il y a des cœurs, des flèches, des fleurs… Ah ! les belles fleurs !… (Il faut avoir, interrompis-je, un certain tour de main pour fleurir le veau avec la lancette. On peut dessiner de très belles fleurs avec un crayon sur un morceau de papier et être tout à fait — oh ! tout, à fait ! — incapable d’user de la lancette pour dessiner sur un morceau de ventre. Mettez une lancette dans la main de M. Bouguereau, et peut-être trouvera-t-il qu’il n’a jamais éprouvé tant de difficulté à dessiner des veaux !)

» Le petit commis souleva la fressure, c’est-à-dire les poumons, auxquels pendait le cœur.

» — C’est une belle fressure, dit-il, et elle n’est pas trèfle !… (Elle n’est pas trèfle, interrompis-je, c’est-à-dire qu’elle n’est pas malade. Non ! non ! c’étaient de beaux poumons ; ils étaient coches !… Coche, expliquai-je, c’est le contraire de trèfle. Une viande est coche quand elle est bonne !…)

» Le petit commis ajouta :

» — Le cœur est bon.

» — Oui ! il avait un bon cœur ! gémit Mme Houdry,