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LA REVANCHE DU VEAU

ne lui répondit point. Elle se tourna vers le commis :

» — Houdry n’est point là, dit-elle. Tu es sûr qu’il n’est pas sorti ?

» — Oh ! madame ! j’en suis tout à fait sûr ; il n’est pas sorti et personne n’est entré ! Je n’ai pas quitté la cour, répliqua le commis en sautant à la tête du veau qui continuait à cabrioler avec grâce. Bien sûr il est là. Il se cache pour vous faire peur ! Il ferait mieux de cacher le veau !

» — Houdry ! Houdry ! réponds-moi, Houdry ! Tu te caches pour me faire peur !…

» Le petit commis, d’un tour de longe, avait attaché le veau[1]. Il fut aux côtés de Mme Houdry et poussa un point d’exclamation… Puis il ajouta :

» — Oh ! celle-là ! elle est raide ! quand nous sommes entrés, il n’y avait qu’un veau, un seul veau, madame, un veau que j’ai attaché sur l’étout et qui gambade maintenant dans la cour, et il y a un autre veau au tinet. (Le tinet, interrompis-je, est une barre de chêne à laquelle on suspend le veau et que l’on hisse à l’aide du treuil.) Oui ! oui ! il y a un autre veau au tinet !

» — Je le vois bien ! fit Mme Houdry. Un tout petit veau. Quel petit veau ! Mais, tu es fou, commis, il devait y avoir deux veaux !

« — Jamais ! madame ! Jamais !

» — Eh bien ! tu vois pourtant bien le veau du tinet ? (Moi, interrompis-je, moi, je redoute, oh ! combien je redoute un grand malheur !)

» Le petit commis et Mme Houdry s’approchèrent du tinet qui était dans l’ombre et ne dirent rien tant ils

  1. Tous ces détails étaient dans l’article. La mode à cette époque était déjà aux faits-divers dramatisés, et celui-ci est dramatisé à souhait. Au fond, on eût pu le raconter en cinq lignes. Mais c’est la nouvelle presse.