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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

était son frère, et, abandonnant sa chaise, recula peu à peu jusque derrière la desserte, dans le coin de gauche de la salle à manger quand on entre par le vestibule. M. Lecamus avait une attitude au moins aussi ridicule, mais lui, il fit retraite vers le coin de droite, toujours quand on entre par le vestibule. Ils me regardaient avec insistance et, ma foi ! on leur eût présenté à la foire quelque phénomène, comme un mangeur de lapins vivants, qu’ils ne l’eussent point considéré d’autre sorte ; c’en était déplaisant. Je ne leur cachai point que toute cette comédie était indigne de deux êtres de raison et les engageai à reprendre leurs places à mes côtés ; mais ils n’en firent rien. Alors, j’entamai l’histoire de la « Revanche du Veau. »

» Je lus :

» M. Houdry est boucher sur les boulevards extérieurs. Sa spécialité est la viande de veau. On vient lui acheter du veau à la ronde. Cette renommée s’explique par un fait si exceptionnel que nous n’avons voulu y croire que sur l’affirmation réitérée de M. le commissaire de police Mifroid, lequel a procédé à la première enquête. On sait que tous les bouchers de Paris reçoivent leur viande des abattoirs. Il leur est défendu de tuer chez eux. Or, M. Houdry tuait tous les jours un veau à domicile.

» — C’est exact, interrompis-je c’est absolument exact ; M. Houdry me l’a expliqué plusieurs fois, et la confiance qu’il me marqua en me mettant dans la confidence de son mystérieux abattoir m’étonna quelque peu. Pourquoi me révéla-t-il à moi un fait qui n’était connu que de sa femme, de son petit commis, enfant trouvé qu’il considérait comme de la famille, et de son beau-frère qui, toutes les nuits, lui apportait le veau ? Pourquoi ? Ah ! on ne sait pas ! C’était peut-être plus