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THÉOPHRASTE VEUT S’INSTRUIRE

Paris, mais on ne saurait prétendre sérieusement que ce sont là des traversées.

— Pourtant, disait-il, pourtant, on court quelquefois de plus grands risques en se promenant dans les rues de Paris qu’en naviguant sur les grands steamers (il prononçait : sté-a-mairs). Il peut vous tomber, sur la tête, un pot de fleurs !

Ainsi il aimait, par des imaginations inoffensives, introduire dans son existence monotone et exempte de tout danger apparent la perspective troublante des plus inattendues catastrophes.

Le gardien-portier remit la petite troupe à la disposition du gardien-chef qui passait.

Marceline était très impressionnée. Elle s’appuyait au bras d’Adolphe. Elle pensait au cachot de Marie-Antoinette et au musée Grévin.

Le gardien-chef dit :

— Vous êtes Français ?

Théophraste s’arrêta au milieu de la cour.

— Est-ce que nous ressemblons à des Anglais ? fit-il.

Et, en posant cette question, il souriait avec audace, car il était bien sûr d’être Français.

— C’est bien la première fois, expliqua le gardien-chef, que je vois des Français demander à visiter la Conciergerie. Les Français, à l’ordinaire, ne visitent rien.

— Ils ont tort, monsieur, répliqua Théophraste en essuyant les verres de ses lunettes. Ils ont tort. Les monuments du passé sont le livre de l’histoire.

Il s’arrêta et regarda Adolphe et sa femme. Évidemment, il trouvait la phrase belle. Mais Adolphe et Marceline ne l’avaient pas entendue. Il continua, en suivant l’homme porte-clefs :

— Moi, je suis un vieux Parisien, et si j’ai attendu ce