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M. LONGUET SUBIT LA TORTURE

derrière l’homme qui a devant lui un bruit de ferraille. L’aide du bourreau a desserré un peu le nœud des cordes, et cela me procure un soulagement dont je lui suis infiniment reconnaissant. Mais… Mais… Mais l’autre aide, de l’autre côté, tire, tire, tire… S’il continue à tirer ainsi sur les cordes, les cordes vont me couper les jambes. Je lui en fais l’observation, et les docteurs viennent me donner le crucifix à baiser. Derrière l’homme qui me tourne le dos, dans le coin de droite, et autour du bruit de ferraille, j’entends comme un grésillement de braise, et il y a des petites flammes rouges qui lèchent la pierre des murs. Entre les deux hommes qui écrivent, il y a un homme qui fait un signe. Le bourreau a une bonne figure. Je lui demande à boire. Certainement, j’aurais moins mal aux jambes si j’avais moins soif. Jésus ! Le bourreau ramasse son maillet. Mais je jure que je ne peux pas remuer les noms qui sont sur le bout de ma langue et qui sont si lourds qu’ils m’empêchent encore de parler. Enlevez-moi ces noms ! Enlevez-moi ces noms ! Vous ne les voyez donc pas ? Aaaaaaaaaaaaaaah !…

« Cette fois, raconte M. Lecamus, la bouche est fermée. Mais les lèvres découvrent les dents de telle sorte qu’on ne croirait plus qu’il y a des lèvres autour de ces dents. Ces dents sont serrées, serrées, tout à fait soudées, sans espoir qu’aucun levier les sépare jamais. On dirait les dents d’un mort qui serait mort en serrant les dents, et ce sont là des dents serrées pour l’éternité. Derrière ces dents gronde le cri démoniaque de la douleur. Le cri roule dans la bouche sans trouver d’issue, se heurtant à ces dents, mais on l’entend tout de même qui mugit de rage de ne pouvoir s’échapper librement, à cause de ces dents fermées. Puis, nous entendons un grincement aigu qui est bien le plus insupportable à