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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

D. Et maintenant, où es-tu, Cartouche ?

R. Je descends un petit escalier au bout de l’allée des Pailleux. On ouvre une grille… Je suis dans les ténèbres des caves… Ces caves ne me font pas peur… Je les connais bien, ah ! ah ! J’ai été enfermé dans ces caves sous Philippe-le-Bel !

D. (Avec une terrible autorité.) Cartouche ! Tu es Cartouche ! Tu es dans ces caves par ordre du régent ! (Il répète dans le fond de lui-même : Philippe-le-Bel ! Où allons-nous, mon Dieu ! où allons-nous ! Ne nous égarons pas !) Et maintenant, où es-tu, Cartouche ?

R. J’avance dans la nuit des caves. Il y a autour de moi tant de gardes qui marchent dans la nuit des caves que je ne pourrais en dire le nombre. Je vois là-bas, tout là-bas, un rayon que je connais bien. C’est un rayon carré que le soleil a oublié là depuis le commencement de l’histoire de France. Mes gardes ne sont pas des gardes françaises. On se méfie de tous les gardes françaises. Mes gardes sont commandés par le lieutenant de robe courte du Châtelet !

D. Et maintenant, où es-tu, Cartouche ?

R. Je suis dans la chambre de la torture. J’ai devant moi des hommes vêtus de longues robes, mais je ne distingue pas leurs visages. Ce sont mes commissaires qui ont été commis pour les recollements, suivant l’usage, paraît-il. Mais pourquoi appelle t-on cela recollements ? Cette pensée me fait sourire. (Théophraste sourit, en effet.)

D. Et maintenant, que fais-tu, Cartouche ?

R. On me pose sur la sellette. Le bourreau et ses aides placent mes jambes dans les brodequins. Ils serrent fortement les planchettes autour de mes jambes avec des cordes d’une dureté incroyable. Je crois bien que les gaillards vont me faire souffrir tout mon saoul et que