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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

Quant à l’auteur de ces lignes, que la nature a doué d’un esprit sain et pondéré — du moins, il le croit — il ne saurait prendre la moindre jouissance à tremper sa plume dans le sang des blessures aux lèvres fraîches. Il le dit bien haut avant de s’engager dans le récit des plus affreuses tortures morales et physiques qu’il ait été donné à une créature de Dieu de supporter. Mais ce qui ne saurait manquer de le soutenir dans cette tâche difficile, c’est qu’il sait que le récit des malheurs de Théophraste, plongé dans le sommeil de l’hypnose, est destiné à jeter un jour extraordinairement étourdissant sur les problèmes restés les plus obscurs de la chirurgie psychique.

Tout d’abord, on ne saurait trop engager le lecteur à se rendre un compte tout à fait exact des éléments de l’opération si monstrueusement singulière que va oser, dans son laboratoire de la rue de la Huchette, M. Éliphas de Saint-Elme de Taillebourg de la Nox. Si osée, notre parole, que cet homme de lumière a dit : « Je vais tenter Dieu ! » Il n’exagérait pas.

Tuer Cartouche sans tuer Longuet ! Voilà ! C’est simple ! c’est aussi simple que de dire : Que le monde soit ! C’est aussi simple que cela quand on est Dieu ; mais quand on est M. Éliphas de Saint-Elme de Taillebourg de la Nox, ce qui est cependant déjà quelque chose, on risque de tuer Longuet sans tuer Cartouche ! C’est une responsabilité des plus graves. Il est absolument inutile de tuer M. Longuet si Cartouche, dont l’âme n’aura pas été régénérée, doit réapparaître sur le globe en quelque nouvelle réincarnation ! Un autre qu’Éliphas eût certainement reculé.

Mais lui, nous l’avons dit, avait l’habitude des opérations psychiques les plus compliquées, et la délicatesse de son scalpel astral était universellement reconnue,