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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

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L’opération continue, nous explique M. Lecamus, ou plutôt les préliminaires de l’opération, car ce n’est que peu à peu que M. de la Nox veut amener Cartouche à l’heure de sa mort. Avant de lui faire vivre sa mort, il est nécessaire de lui faire vivre un peu de sa vie. C’est là la raison qui avait poussé M. de la Nox à rejeter Théophraste dans Cartouche au mois d’avril 1721.

    tue, dans son rêve deux fois centenaire, un passant non loin de l’ancien cimetière des Innocents, un passant d’il y a deux cents ans, du moins c’est ce que M. Lecamus et même M. de la Nox croient ; car M. Lecamus, dans sa narration, ne fait suivre d’aucun commentaire ce meurtre d’un homme auquel il n’attache point d’importance, puisqu’il est déjà mort depuis deux cents ans. Mais, vraiment, je crois qu’il s’est passé encore autre chose que cela. Oserai-je le dire ? Il le faut. Il le faut, car c’est avec des faits semblables jusqu’alors négligés comme impossibles que l’école de Nancy est destinée à étonner le monde. Je signale donc le fait suivant à l’école de Nancy, fait qui pourrait peut-être s’expliquer par l’étrange et complet amalgame du Maintenant et de l’Autrefois chez M. Longuet. Le jour où M. de la Nox opérait M. Longuet de Cartouche, rue de la Huchette, ce jour-là était le 13 juillet 1899. Et si nous calculons l’heure d’après l’incident de la montre (Je te dois mon doigt !) il pouvait être midi ou midi et demi au plus quand, dans son rêve hypnotique, M. Longuet prononçait ces paroles : « Je viens de tuer un passant ! » Il disait cela, alors que dans son rêve, toujours, il se trouvait près du cimetière des Innocents. Or, je reproduis ici ces lignes que publiaient quelques jours plus tard, et que j’ai trouvées dans le coffret en bois des îles, les journaux, à la rubrique « faits-divers » : « M. Jacques Mathomersuil, habitant la ville d’Eu, 6, rue de la Petite-Mouillette, et de passage à Paris, où il est descendu chez M. Noël, épicier, son parent, rue de la Tour-d’Auvergne, se trouvait le 13 de ce mois à midi et quart devant la Fontaine des Innocents, examinant curieusement l’œuvre de Jean Goujon, quand il s’affaissa sans pousser un cri. On le crut pris d’un soudain malaise et on le transporta dans une pharmacie voisine. Là, on s’aperçut qu’il avait reçu un coup de poignard en plein cœur. Pourtant, les témoins ne se rappellent pas avoir vu quiconque l’approcher. Une enquête est ouverte. Va-t-on se mettre maintenant à assassiner en plein Paris et en plein midi ? »… Coïncidence étrange, infernale, sur laquelle je n’ose insister. Il y a des moments où le mystère attire, il en est d’autres où il épouvante.