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OÙ L’ON ESSAIE DE TUER CARTOUCHE

avait celé l’ancienne personnalité criminelle de son époux — lui faisait, par-dessus tout, désirer sa mort.

» M. de la Nox me signifia de prendre Théophraste endormi par les pieds, ce que je fis ; il le saisit, lui, sous les aisselles, et, Mme Longuet nous suivant, nous le transportâmes dans le sous-sol, où se trouve le laboratoire qu’éclairent nuit et jour des becs d’un gaz aux larges flammes rouges et sifflantes dont j’ignore encore la nature.

» Nous déposâmes Théophraste sur un lit de sangle et, dans une immobilité miraculeuse, M. de la Nox le considéra plus d’un quart d’heure. Nous nous taisions.

» Enfin, une admirable mélodie se fit entendre. C’était la voix de M. de la Nox qui priait. De quelle musique des anges, de quelles vibrations supraterrestres, de quelles syllabes de gloire céleste et de triomphant amour était faite cette prière ? Qui la redira jamais ? Qui la réunira jamais ? Connaissez-vous le musicien maître de l’Art et du Son qui réunira, une fois passés, les éléments de cette brise parfumée de printemps qui chante, pour la première fois, sous les feuilles premières, sa chanson tremblante d’espoir et d’éternelle vie, au seuil renouvelé des saisons[1] ?

» Je sais seulement que cette prière commençait à peu près ainsi : « Au commencement, tu étais le Silence, Éon éternel, source des Éons ! Silencieuse comme toi était Eunoïa et vous vous contempliez dans un inexprimable embrassement, Éon, source des Éons, Eunoïa, source d’amour, germe fécond par qui l’Abîme allait

  1. Je tiens absolument à faire remarquer que je cite textuellement M. Lecamus et que je ne suis pour rien dans le déroulement harmonieux de ces phrases un peu excessives mais qu’excuse en somme l’enthousiasme de M. Lecamus pour M. Éliphas de Saint-Elme de Taillebourg de la Nox.