Page:Leroux - La Double Vie de Théophraste Longuet.djvu/172

Cette page a été validée par deux contributeurs.
154
LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

crut qu’on l’arrêtait et tendit son épée, dont la poignée était en or et la plus belle qui se pût imaginer. Cette histoire se termina pour Gâtelard au bout d’une corde. Mais du diable ! mon cher monsieur de l’Équinoxe !…

— De la Nox ! insista M. Lecamus.

— … De la Noce, cher monsieur de la Noce, du diable ! si je me doutais alors que je retrouverais un jour son squelette dans une maison de la rue de la Huchette !…

Éliphas, immobile, considérait avec une attention que rien ne pouvait troubler Théophraste et ses discours.

Celui-ci continuait :

— Je n’ai jamais tant ri qu’à la butte Saint-Chaumont, entre le moulin des Chopinettes et le moulin du Coq. Là se trouvait le cabaret des Chopinettes, qui avait pris la suite de l’auberge chère à François Villon, où depuis des siècles venaient en grande liesse ripailler les mauvais garçons et gourgandines, les jours de pendaison aux Fourches. C’est entre le moulin des Chopinettes, le moulin du Coq et les Fourches de Montfaucon, sans que je puisse dire exactement où aujourd’hui (excusez-moi, le terrain a été si bouleversé !) que j’ai enfoui une partie de la dot de Marie-Antoinette Néron, si généreusement consentie par un jeune seigneur ami du Bourguignon et de la Vache-à-Paniers, et qui n’avait rien à nous refuser ce soir-là, sous peine de mort. Si vous aviez un vieux plan de Paris, mon cher monsieur d’Éliphas de Taille-à-rebours de Feu Saint-Elme de la Noce…

Théophraste n’avait pas fini de prononcer cette dernière phrase que, par un phénomène insoupçonné, les demi-ténèbres qui l’enveloppaient se dissipaient tout à coup, et que la pièce, ainsi que les personnages qui s’y trouvaient, apparaissaient dans la splendide clarté du jour.