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ÉLIPHAS DE SAINT-ELME DE TAILLEBOURG DE LA NOX

Je ne saurais mieux comparer M. Lecamus, dans ce cas regrettable, qu’à un enfant qui serait monté dans une automobile, et qui, ayant remué quelque chose, la verrait partir. Il a, à côté de lui et autour de lui, des pédales, un levier, une roue, mais il n’en connaît pas l’usage. Quand et comment l’automobile s’arrêtera-t-elle ! En attendant, il court, il vole, il écrase, il laisse du sang sur sa route, il coupe les oreilles de M. Petito, il entre par les fenêtres chez les honnêtes gens !

Or, M. Lecamus, et Mme Longuet, de son côté, étaient venus ce matin-là supplier M. de Saint-Elme de la Nox de monter dans l’automobile. Il n’y avait pas à Paris un plus habile conducteur d’âmes réincarnées.

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Cependant, Théophraste avait heurté du front le squelette. Il le considéra avec une entière et douce commisération :

Tu serais bien plus tranquille, lui dit-il, à la butte Saint-Chaumont.

Et il passa en souriant tristement.

Le corridor dans lequel il marchait au hasard n’avait aucune fenêtre ; une lueur rouge grenat l’éclairait d’un bout à l’autre, sans que Théophraste pût d’abord en deviner l’origine. Et puis il s’aperçut qu’il marchait sur cette lueur rouge. Elle venait de caveaux et pénétrait dans le corridor à travers d’épais pavés de verre. Qu’est-ce que faisaient, en bas, ces flammes écarlates, dans la lueur desquelles il se promenait ?

Il n’en savait rien. Il ne se le demandait même pas. Il ne se demandait même pas pourquoi, lui, Théophraste, se trouvait dans cette lueur. Il avait fini de se demander : « Ah ! ça ! pourquoi suis-je dans cette maison de la rue de la Huchette ? » Il avait fini de se le demander, parce que personne ne lui répondait.