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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

l’ami de Théophraste qu’il était grand temps de prendre ses précautions contre Cartouche. Au fond de son cœur, M. Lecamus se sentait coupable dans une certaine mesure des extravagances sanglantes de Théophraste ; il se demandait déjà avec terreur jusqu’où celui-ci pourrait aller dans la voie rouge où sa propre inexpérience l’avait précipité.

Il ne faut pas se dissimuler, en effet, que M. Lecamus s’était conduit comme un novice en face de l’âme réincarnée de M. Longuet. Vraiment — on ne saurait trop le dire — on ne se conduit pas ainsi avec une âme réincarnée, quelle qu’elle soit ! C’est peut-être le mécanisme humain le plus compliqué, le plus délicat et certainement le plus difficile à manœuvrer ! Ce n’est certainement pas un Pneumatique de deux jours qui pourrait manœuvrer une pareille âme, et, notre parole d’honneur, M. Lecamus avait agi comme un Pneumatique de deux jours ! Il y a, par exemple, un principe absolu qui préside à la manœuvre des âmes réincarnées, et qui est celui-ci : ne point s’occuper de la mise en mouvement avant d’être sûr de son cran d’arrêt.

On peut se demander — il le faut — si M. Lecamus connaissait ce principe. En tout cas, il a agi comme s’il l’ignorait totalement. Il ne fut pas plutôt assuré qu’il avait entre les mains une âme réincarnée qu’il la lançait à toute vitesse. N’était-ce pas ce qu’il avait fait exactement en mettant, sans précaution aucune, sans vitesse intermédiaire, l’âme réincarnée de M. Longuet en face de son portrait !

Et, maintenant, il ne savait pas comment il pourrait arrêter ce mécanisme qu’il avait mis en mouvement sans le connaître ! Que vous dirai-je de plus que ceci : d’une façon générale, M. Lecamus ne savait pas comment on arrête une âme réincarnée !