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ÉLIPHAS DE SAINT-ELME DE TAILLEBOURG DE LA NOX

nom ni un fait, Cartouche, qui n’avait plus qu’à mourir et qui n’avait à espérer, par ses aveux, nul adoucissement à ses derniers moments, Cartouche fut amené pour le supplice sur la place de Grève, et que là il se décida à parler ; qu’on le conduisit à l’Hôtel de Ville et qu’il livra ses principaux complices ; après quoi il fut roué et attaché à la croix où il expira. Immédiatement, trois cent soixante personnes, parmi lesquelles des personnages, furent arrêtées, et il en résulta des procès et des massacres judiciaires pendant plus de deux ans[1].

Or, les papiers de Théophraste Longuet nous font toucher du doigt la supercherie. Cartouche était, en même temps qu’un objet de terreur, un objet d’admiration. Son courage ne connaissait pas de limite, et il le prouva lors de la torture. Du moment que les souffrances du brodequin ne l’avaient point fait parler, il était impossible moralement qu’il parlât. Pourquoi eût-il parlé ? Il n’avait plus, comme on l’a dit plus tard, qu’à mourir « en beauté ». Les plus grandes dames de la Cour et de la ville avaient loué loges et fenêtres. Pourquoi leur montrer sur l’échafaud la figure inutile du plus lâche en place et lieu du plus brave des bandits ? Enfin M. Longuet combat justement l’histoire avec ses propres armes. Il est de vérité historique que, parmi les trois cent soixante personnes qui furent dénoncées et arrêtées, il s’en trouvait que Cartouche aimait comme des frères et d’autres comme les plus tendres des maîtresses et les plus fidèles, certaines étant revenues de province à Paris, méprisant tous les dangers, dans cette espérance que l’Enfant aurait la consolation de les voir une dernière fois. Le procès-verbal est évidemment truqué, qui montre ces femmes

  1. Procès de Cartouche.