vement suprême et le sang de son oreille jaillit à travers la cuisine. Théophraste lâcha les cheveux et lui administra une gifle.
— Fais donc attention, disait-il, tu éclabousses partout[1] !
Comme le cartilage résistait encore, il prit de la main gauche l’oreille droite et, d’un grand coup du couteau ébréché, acheva de l’arracher. Il mit cette oreille dans une soucoupe qu’il avait préalablement déposée sur l’évier. Et il ouvrit le robinet d’eau dont le jet (dirigé mathématiquement par le brise-jet) alla laver l’oreille de tout le sang dont elle était maculée. Puis il revint à la seconde oreille. Comme Marceline gémissait trop fort, il la fit taire d’un coup d’œil. La seconde oreille fut coupée beaucoup plus vite, sans comparaison, et vraiment, quant à moi, j’en suis bien aise, car le découpage de la première oreille est une chose affreuse. Il était temps. M. Petito avait avalé la moitié du mouchoir. Il étouffait. Théophraste retira de la bouche de M. Petito son mouchoir et le jeta dans le panier au linge sale, qui était là, par hasard. Il délia ensuite les chevilles et les poignets du lamentable expert en écriture, et il lui conseilla dans le tuyau de l’oreille, puisque l’oreille elle-même avait disparu, de quitter le plus tôt possible son appartement, s’il ne voulait pas qu’il le fît arrêter comme cambrioleur. Il eut encore la précaution de lui envelopper la tête dans un torchon « pour que son sang ne tachât point l’escalier du concierge » ; enfin, comme M. Petito, agonisant, se disposait à regagner ses pénates, Théophraste lui mit ses oreilles lavées dans la poche de son veston.
- ↑ Il ne faut pas s’étonner une seconde de l’extrême férocité de Théophraste. L’histoire, par la suite, nous apprendra que Cartouche a accompli des crimes au-dessus de l’humanité.