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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

— Vous voyez, mon cher monsieur Petito, que je suis calme. Oh ! tout à l’heure j’étais fort en colère, mais c’était contre ce satané chat qui nous empêchait de dormir ! Aussi, je l’ai jeté par la fenêtre. Rassurez-vous, mon cher monsieur Petito, je ne vous jetterai pas par la fenêtre. Je suis juste. Vous ne vous avez pas empêchés de dormir, vous ! Vous avez pris la précaution de chausser des pantoufles à semelles de corde ! Tous mes remerciements. Pourquoi donc, mon cher monsieur Petito, faites-vous cette insupportable grimace ? C’est à cause sans doute de votre oreille. J’ai une bonne nouvelle à vous annoncer et qui vous mettra à l’aise, rapport à votre oreille : Vos oreilles ne vous feront plus souffrir ! mon cher monsieur Petito.

Ayant parlé de la sorte, Théophraste pria sa femme de passer un peignoir et M. Petito de passer dans la cuisine.

— Ne vous étonnez point, lui dit-il, de ce que je vous reçois dans la cuisine. Je tiens beaucoup à mes carpettes et vous devez saigner comme un cochon.

M. Longuet tira à lui une table de bois blanc placée contre le mur et la disposa au milieu de la cuisine ; il pria Marceline de dérouler sur cette table une toile cirée, de se procurer la grande jatte et d’aller chercher dans le tiroir de la desserte de la salle à manger le couvert à découper.

Marceline essaya d’articuler une demande d’explications, mais son mari lui montra un regard si étrangement glacé qu’elle ne put qu’obéir en frissonnant. Il y a des peurs qui donnent chaud, il en est qui donnent froid. Ainsi, M. Petito grelottait, et c’est bien en grelottant qu’il tenta de gagner la porte de cette cuisine dans laquelle il se disait mentalement qu’il n’avait que faire. Malheureusement, M. Longuet se refusa absolument à