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LA DOUBLE VIE DE THÉOPHRASTE LONGUET

et que ce ronron — ils le reconnaissaient bien — était le ronron du chat violet.

Marceline laissa glisser entre ses lèvres :

— C’est le ronron du chat violet. Va voir ce qu’il a, Adolphe !

Elle était tellement émue qu’elle appelait Théophraste : Adolphe. Mais Théophraste ne s’en apercevait même pas. Théophraste ne bougeait pas. Il aurait donné cent mille timbres en caoutchouc pour être en train de se promener, à midi, sur le boulevard.

— Ce n’est pas naturel qu’il ronronne ainsi, ajouta-t-elle. Va voir ce qu’il a ! Il le faut, Théophraste ; prends dans le tiroir de la table de nuit le revolver.

— Tu sais bien, eut la force de dire Théophraste, qu’il n’est pas chargé (Il n’était pas chargé parce que M. Longuet ne savait pas comment on charge un revolver, encore moins comment on le décharge, et qu’il n’avait pas osé avouer son ignorance à l’armurier.)

Ils écoutèrent encore. Le ronron s’était tu. Marceline eut cette espérance qu’ils s’étaient peut-être trompés… Alors, Théophraste poussa un petit soupir lamentable, sortit du lit, prit le revolver et, tout doucement, ouvrit la porte donnant sur son bureau. La nuit était claire, la lune entrait dans la pièce en grande nappe bleue. Et ce que vit Théophraste le fit reculer aussitôt, cependant qu’il laissait échapper un gémissement sourd et qu’il repoussait la porte, en s’appuyant le dos dessus, comme pour empêcher ce qu’il avait vu d’entrer dans la chambre à coucher.

— Quoi ? demanda Marceline soulevée sur les oreillers.

Théophraste, claquant des dents, dit :

— Il ne ronronne plus, mais il a bougé !

— Où est-il ?

— Il est sur la table à thé !…