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LE MASQUE DE CIRE

voir qui vaincra de l’âme d’autrefois ou des instincts d’aujourd’hui ? »

» Je lui demandai si vraiment l’âme de Cartouche était tout à fait détestable, ce qui me peinait, et je fus heureux d’apprendre qu’elle avait quelques bons côtés :

» — Cartouche, me dit-il, avait expressément défendu à ses hommes de tuer ou même de blesser les passants sans raison. Quand il opérait dans Paris avec quelqu’une de ses troupes et que ses gens lui amenaient les victimes, il leur parlait avec beaucoup de politesse et de douceur, leur faisant toujours rendre une partie du butin. Quelquefois, les choses se bornaient à un simple échange d’habits. Quand il se rencontrait dans les poches de l’habit ainsi échangé des lettres ou des portraits, il courait après leur ex-propriétaire pour les leur rendre, leur souhaitant une bonne nuit et leur donnant un mot de passe. C’était une maxime de cet homme extraordinaire qu’un individu ne devait pas être volé deux fois dans la même nuit, ni trop durement traité, pour ne pas dégoûter les Parisiens de sortir le soir.

» Ainsi, il ne voulait point qu’on assassinât sans raison. Cet homme n’était donc point foncièrement méchant. Il y a de belles crapules, aujourd’hui, qui tuent uniquement pour le plaisir, sur les boulevards extérieurs. Je regrette cependant que, pour son propre compte, Cartouche ait eu, dans sa vie, cent cinquante raisons d’assassiner ses contemporains.

» Mais revenons au masque de cire. Nous venions de descendre, mon ami Adolphe et moi, en gare de Saint-Germain-en-Laye, quand je crus apercevoir dans un groupe de voyageurs une figure qui ne m’était pas inconnue. Mû par un sentiment dont je ne fus point tout à fait le maître, je me précipitai vers ce groupe, mais la figure avait disparu. Où donc ai-je vu cette figure-