Page:Leroux - La Double Vie de Théophraste Longuet.djvu/107

Cette page a été validée par deux contributeurs.
89
LE MASQUE DE CIRE

et de la rue de la Bucherie. Mais comme on ne te fit pas longtemps crédit, il fallut bien que tu songeasses à te garnir d’argent.

— Et ma lingère de la rue Portefoin ?

— Tu n’y pensais même plus. Elle pleura ta disparition au moins quinze jours, et toi tu la remplaças bientôt dans les circonstances que voici. La nécessité t’y poussant, tu te rappelas tes anciens talents et tu te mis à soulager les basques des passants de tout ce qui s’y trouvait renfermé : tabatières, bourses et mouchoirs, bonbonnières et boîtes à mouches. Tu opérais si adroitement que tu encourus l’admiration d’un grand escogriffe qui s’appelait Galichon et qui, t’ayant vu travailler, t’arrêta au coin de la rue Galande en te demandant « la bourse ou la vie ».

— Tu n’auras ma bourse que lorsque tu auras pris ma vie, lui répondis-tu, et tu mis l’épée à la main, une petite épée que tu avais volée la veille à un garde-française qui contait fleurette à une bouquetière de la rue Poupée. Le grand escogriffe te félicita de ton courage et puis de ton adresse, et il te pria de le suivre chez lui, rue du Bout-du-Monde, aujourd’hui rue Saint-Sauveur. Il te conta en chemin qu’il cherchait un associé et que tu ferais son affaire. Il te dit encore qu’il avait femme et que cette femme avait une sœur fort avenante, et que cette sœur brûlerait de t’épouser quand elle te connaîtrait. Tu te laissas faire. La cérémonie se passa comme elle avait été prévue. On ne fit venir ni notaire ni prêtre. Cette liaison ne dura pas six mois, attendu que Galichon, sa femme et sa belle-sœur prenaient le chemin des galères.

— Et moi ?

— Oh ! toi, tu les avais déjà lâchés. Tu trichais dans les académies !