Page:Leroux - La Double Vie de Théophraste Longuet.djvu/105

Cette page a été validée par deux contributeurs.
87
LE MASQUE DE CIRE

nique n’avait donc aucun soupçon. Un dimanche matin, Cartouche père dit à Cartouche fils de venir faire avec lui un petit tour de promenade. Dominique, charmé, le suivit. Il était de bien belle humeur, avait revêtu ses plus beaux habits et escomptait déjà en son esprit ardent les joies de la soirée qu’il devait passer non loin de la rue Portefoin.

— Où allons-nous, mon père ? dit-il.

— Eh bien ! mais nous promener, mon fils.

— Où ça ?

— N’importe où ; du côté du faubourg Saint-Denis…

Louis-Dominique commença à dresser l’oreille. Il savait qu’au bout du faubourg Saint-Denis il y avait les lazaristes, et il savait aussi qu’aux lazaristes les pères, quelquefois, y conduisaient leurs enfants. Il ne marqua aucune méchante humeur, mais il se défia, car il n’avait point la conscience tranquille. Quand ils arrivèrent au coin de la rue du Faubourg-Saint-Denis et de la rue de Paradis et que se dressèrent devant eux les bâtiments de Saint-Lazare, il sembla à Louis-Dominique que son père avait un air qui manquait de naturel, et le quartier lui déplut instantanément. Il dit donc à son père de continuer son chemin doucement, sans se presser, car il était, lui, dans la nécessité de s’arrêter au coin d’un mur (ce coin existe toujours) « pour faire pipi ».

Quand le père se retourna, l’enfant avait disparu. Il ne devait plus le revoir.

Théophraste avala une gorgée de son apéritif, claqua des lèvres, les essuya de son mouchoir et dit :

— C’est bien fait ! À sa place, j’en aurais fait autant !

— Malheureux ! s’écria Adolphe, mais tu y étais à sa place !