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MARTHE TIENT À SES FANTÔMES
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— C’est mon idée ! » répondit la voix grave de Jacques…

Et il se leva pour aller déposer sur la table le verre de Marthe.

« Mais cette fois, madame, cette fois, il ne flottait plus sur les eaux… il marchait comme vous et moi, et était venu tout près de moi… j’aurais presque pu le toucher… Il a tendu les bras vers moi… oh ! c’était affreux !… Il avait à la tempe une plaie saignante !… Oui, une plaie qui saignait encore !… Pensez donc… depuis cinq ans !…

— Où allez-vous donc, darling ? demanda Fanny à Jacques.

— Un verre d’eau, je vais prendre un verre d’eau, vous n’avez pas soif, vous ?

— Vous paraissez ému, darling, c’est vrai, votre frère, vous l’aimiez tant !… Et elle se retourna du côté de Marthe.

— Alors, vous disiez que sa blessure saignait encore depuis cinq ans !… Vous voyez bien que vous rêvez toujours, ma chère petite !… »

Mais Marthe ne se démonta pas.

« Je vais vous dire tout, en détails. Mon mari se couche de bonne heure.

« Après le dîner, qui ne dure guère, il essaie de me raconter généralement des histoires de l’étude. Ce soir, je ne lui ai pas répondu. Il m’a souhaité bonne nuit et a regagné sa chambre.

« Je réfléchissais, je médisais : « Tu as encore eu une hallucination ainsi qu’il y a deux ans… Maintenant que tu es raisonnable et tranquille,