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L’HOMME QUI REVIENT DE LOIN

qui ne laissa point deviner un instant sa terrible préoccupation.

Et cependant, elle ne pensait, elle aussi, qu’à ça !…

Pour elle, il ne faisait point de doute que « quelqu’un savait »…

Était-ce le bancal ? le jeteur de sorts ? comme on l’appelait dans le pays ?… Le coup venait-il de cet idiot ? À la réflexion, elle ne pouvait y croire… L’être paraissait si insignifiant… et puis, encore une fois, il était bien connu comme sourd-muet…

Tout à coup, comme elle se promettait de l’approcher dès qu’elle aurait été avertie de sa présence, soit à la Roseraie, soit à Héron où il venait souvent mendier, elle se rappela qu’elle avait aperçu Prosper à Héron même quelques instants seulement avant le retour de Jacques en automobile à Héron, le fameux matin sinistre. Il ne pouvait donc point avoir assisté « à la chose », dans la forêt. Elle courut dire cela à Jacques qu’elle trouva prostré au fond d’un fauteuil, devant son bureau.

La sueur au front, il dut se rappeler exactement où « la chose s’était passée ». D’une voix sourde, il expliqua qu’elle s’était passée, à plus d’une lieue de là, au rond-point de la Fresnaie. Ce souvenir et cette précision les rassurèrent en ce qui concernait Prosper. Du reste, un événement qui survint dans l’instant, devait les tranquilliser tout à fait à cet égard. Il était cinq heures environ ; le jour touchait à sa fin quand un garde demanda à parler à Jacques et fut introduit. Ce garde expliqua