Page:Leroux - L'Epouse du Soleil.djvu/91

Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Il faut du sang pur à Pacahuamac ! » répondent en chantant les assistants et puis l’un d’eux ayant crié encore : Celui-là est pour Pacahuamac ! Huascar se retourna et le fit taire.

Ils étaient tous debout, maintenant, excepté les quatre punchos rouges toujours prosternés, veilleurs du sacrifice. Les souffleurs de quenias faisaient un bruit terrible avec leurs os de flûtes de morts. Bientôt, on n’entendit plus qu’eux, car leur bruit avait eu raison de tous les bruits. Marie-Thérèse, effondrée, vaincue, ne criait plus, ne résistait plus. Aucune voix, aucun signe n’avait répondu à son appel. Christobal et elle étaient perdus ! Elle demanda, dans un souffle, aux mammaconas qui l’entouraient : « Allumez au moins les parfums ! Nous ne souffrirons pas ! », mais les deux qui devaient mourir avec elle lui dirent : « Nous devons mourir de tout notre esprit et de tout notre cœur pour revivre avec tout notre esprit et tout notre cœur. On n’allumera pas les parfums ! »

Et voilà que les joueurs de quenias se turent à leur tour et qu’il y eut un silence effrayant. Toute l’assemblée à nouveau se prosterne. Et la voix sonore de Huascar dit : « Silence dans la Maison du Serpent ! Le mort va venir ! Écoutez ! »

Alors une sorte de tremblement de terre semble ébranler les murs cyclopéens, cependant que le sourd roulement du tonnerre se faisait entendre, mais, au lieu de venir du ciel, il montait des entrailles mêmes de la terre.

À ce moment, le petit Christobal tressaillit dans les bras de sa sœur et elle crut que c’était de peur. Mais il lui dit à l’oreille : « Regarde, Marie-Thérèse, regarde les quatre punchos rouges. » Alors, elle leva sa tête appesantie et regarda, et elle aussi tressaillit. Pendant que, sous le coup de l’effroi causé par ces étranges phénomènes, toute l’assistance était courbée sur les dalles, quatre têtes apparaissaient, soulevées, tendues vers Marie-Thérèse, et, sous leur bonnet à oreillettes, sous les cheveux qui balayaient leur visage tanné, bruni par les fards indiens, l’Épouse du Soleil venait de reconnaître son fiancé, son père, Natividad, et l’oncle François-Gaspard.

Une joie immense inonda son cœur. Le petit Christobal et elle se serrèrent éperdument.

Les quatre bonnets des quatre punchos rouges étaient déjà retombés sur les dalles pendant que toute l’assistance relevait la tête au cri poussé par Huascar, annonciateur du roi défunt Huayna-Capac.

Tandis qu’un nouvel ébranlement de la terre semblait secouer tout l’édifice, Huascar, les bras tendus vers la muraille qui s’entr’ouvrait, criait à Marie-Thérèse : A qui esta el morto ! (Voici le mort !).