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Mais l’enfant ne lui répond pas, il court de toutes ses petites jambes derrière le lama qui court, lui, derrière le cheval. Il lui agrippe la laine et il lui parle comme il faut parler aux lamas, et il saute dessus, et il l’enfourche de ses petites cuisses nerveuses… et voilà que les deux cavaliers passent comme des flèches devant l’oncle Ozoux, qui lève vers la nuit bleue ses deux longs bras dégingandés avec lesquels il semble mesurer tout le désespoir du monde…

Pendant ce temps, au premier étage, Libertad achevait sa sinistre et précieuse confession. Le commissaire a retenu le marquis en lui faisant entendre de quelle importance pouvaient être les derniers propos du misérable boy et de quelle inutilité serait la présence de Christobal sur une route où il ne pourrait rien faire tant qu’on ne leur aurait pas amené de chevaux. Natividad attendait des secours, après ses deux coups de téléphone, soit de Callao, soit de Chorillos. Et il pensait qu’on ne tarderait pas à venir. Il pensait surtout qu’il était fort heureux d’avoir un témoin comme le marquis pour recueillir avec lui une déposition qui allait lui donner raison quant à tous les crimes obscurs des Indiens. Et il tourmenta Libertad jusqu’à son dernier soupir.

De cette déposition hachée, coupée par la douleur, suspendue par les râles et arrêtée par la mort, il ressortit, plus clair que cette merveilleuse nuit tropicale, que l’affaire avait été préparée de longue main et qu’il y avait au moins deux mois que la fille du marquis de la Torre avait été