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sentir et connaître, pour vivre en un mot. Que cet état potentiel de notre âme ait un lien nécessaire et d’une exactitude mathématique, si je puis m’exprimer ainsi, avec les faits antérieurs de notre vie, que la mémoire pourrait jusqu’à un certain point nous retracer, cela est incontestable. Mais cette puissance, loin d’être pour cela la mémoire, exclut au contraire la mémoire, la mémoire formelle. plus il y a en nous de virtualité, moins nous sommes occupés de ce que nous avons déjà fait ; car nous avons hâte d’agir de nouveau et de marcher en avant. C’est le voyageur fatigué qui repasse par la mémoire sur les lieux déjà parcourus. Loin donc que l’enfant me paraisse inférieur en être, en puissance d’être, au vieillard, et qu’il ait moins d’identité que lui, je dirais au contraire qu’il en a davantage, et que le vieillard ne se reporte tant sur le passé, que parce qu’il n’aspire plus à vivre sous sa forme actuelle, la sentant débile et usée. Il tient à la vie sans doute, et il a raison d’y tenir, car il est éternel ; mais, voisin d’une métempsychose, il se retourne vers les manifestations de sa vie antérieure, et y vit, ne pouvant plus vivre autrement. L’enfant, au contraire, qui vient à la vie avec des ailes nouvelles, ne songe qu’à employer ses forces pour le but final qui lui a été assigné. Lui, il n’a pas et ne doit pas avoir un arsenal de vieilles