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qu’on ne dise pas qu’ils ont aimé les hommes d’un amour véritable. Ils ont prétendu vaincre dans les autres, comme en eux-mêmes, la nature, enveloppant dans la même réprobation le principe nécessaire, légitime, saint, de l’égoïsme et ses fausses conséquences. Ainsi, par ce second côté, cet admirable précepte de la triple charité est venu aboutir à une abnégation insensée quant à soi-même, et à un dévouement ignorant non pas pour l’humanité en tant que perfectible, mais pour le salut chimérique de l’humanité, conçu en dehors de la nature et de la vie. Enfin, pour troisième amour, vous me dites de m’aimer moi-même. Or, m’aimer moi-même, c’est m’attacher à la vie, à la nature ; c’est avoir une famille, une patrie, une propriété. M’aimer moi-même, c’est me faire du bien ; c’est fuir le mal pour moi, et pour ceux que j’aime d’un amour particulier, et envers qui j’ai contracté des devoirs particuliers. Donc, si je m’aime, je ne puis aimer mon prochain comme moi-même. Car si j’aimais mon prochain comme moi-même, je me ferais du mal, et je ferais du mal à ceux que je dois aimer d’un amour particulier. Le précepte est donc contradictoire : faire du bien au prochain me fait du mal ; faire du bien à beaucoup ou à tous fait du mal à ceux qui me touchent de plus près.