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développée comme elle doit l’être, cesse d’être le christianisme, de même que le mosaïsme développé et agrandi cessa d’être le mosaïsme. La charité du christianisme est, par son imperfection, une des plus grandes preuves que l’on puisse citer de l’imperfection générale du christianisme. Vous me dites d’aimer mon prochain, vous me l’ordonnez au nom de Dieu. J’obéis. Mais dites-moi ce que je dois faire de l’amour de moi-même, que la nature a mis évidemment en moi, et que Dieu, par la voix de la nature, me commande de suivre, tandis que vous, au nom de Dieu lui-même, me commandez d’aimer mon prochain. Me voilà donc avec deux amours et deux tendances, dont vous ne me démontrez nullement l’harmonie possible : savoir, d’une part l’amour de moi-même ou du moi, ou l’égoïsme ; et d’autre part, l’amour du prochain ou du non-moi, ou la charité. Et ces deux amours sont aussi saints l’un que l’autre. Car si vous me dites que l’amour du prochain est saint aux yeux de Dieu, il est évident aussi que l’amour de moi-même est nécessaire, et par conséquent légitime et saint aux yeux du créateur de toutes choses. Il est certain que le christianisme a laissé l’humanité dans le vague et dans les ténèbres relativement à l’antinomie de l’égoïsme nécessaire et