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Que ce mal de l’oppresseur, qui au fond est esclavage et privation, prenne néanmoins, relativement au mal de l’opprimé, un aspect différent, cela est certain. Extérieurement, ce mal de l’oppresseur ressemble à la puissance et à l’abondance. Mais la réparation se fait et l’équilibre se rétablit à l’intérieur, et dans la virtualité invisible des choses. C’est encore la vie et la loi de la vie qui amène cette réparation, et rétablit cet équilibre. Le mal fait à l’opprimé passe du même coup à l’oppresseur. L’oppresseur, en effet, est, comme l’opprimé, sensation-sentiment-connaissance, c’est-à-dire homme. Qu’il fasse donc du mal à son semblable, et, en blessant l’homme hors de lui, il blesse l’homme en lui. Car son semblable est en lui, pour ainsi dire ; son semblable est lui ; et il ne peut blesser l’homme sans se blesser lui-même. Vous voilà entouré de richesses arrachées par vous à vos frères ; vous êtes riche, dites-vous ! Non, vous êtes pauvre. Vous avez appauvri vos frères ; vous vous êtes appauvri vous-même. Vous n’êtes riche qu’extérieurement, vous êtes pauvre intérieurement et dans votre âme. Vous étiez fait pour aimer vos semblables, et voilà que vous avez préféré n’aimer que les choses. Vous étiez sensation-sentiment-connaissance, et voilà que vous avez renoncé au sentiment et à la connaissance, pour vous attacher à la sensation. Croyez-vous que l’être