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c’est que le mal moral. Ce n’est pas autre chose que le blessement de la loi dont nous parlons. La loi de la vie emportant l’objectivité unie à la subjectivité, le mal moral, c’est-à-dire le mal dans le méchant, est le résultat de la subjectivité qui s’est blessée elle- même en se blessant dans son objet nécessaire. Vous rejetez, vous persécutez vos semblables : c’est donc que vous n’aimez pas vos semblables ; c’est donc que vous n’aimez pas. Vous voilà donc atteint par le défaut d’aimer. Que devient donc votre vie ? Que devient en vous la subjectivité ? Elle souffre, non seulement faute d’objet, mais faute d’être capable d’avoir un objet ; et le défaut d’aimer devient son supplice. Vous voilà qui, par degrés, ressemblez à ce Satan dont sainte Thérèse disait si admirablement : "le malheureux ! Il n’aime pas." ou plutôt c’est là Satan lui-même, il n’y a pas d’autre Satan. Il en est ainsi de tous les vices, de toutes les corruptions de notre âme. Cette seconde forme du mal est donc encore, au fond, la privation, la souffrance, et en ce sens l’esclavage. Oui, le despote, en se faisant despote, devient esclave. Le cupide, en dépouillant ses frères, s’appauvrit. Le cruel, en tourmentant ses frères, se déchire lui-même. En sorte que le christianisme a encore eu raison d’appeler esclavage et loi d’esclavage aussi bien le mal de l’oppresseur que le mal de l’opprimé.