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qu’en effet Caïn s’est frappé lui-même en frappant Abel. Il a beau dire qu’il n’en était pas le gardien ; Dieu, qui les a créés l’un pour l’autre, lui demande où est son frère ; c’est-à-dire que la conscience de Caïn, que la bible ici fait parler par la bouche de Dieu, lui redemande son frère, parce que son frère est l’objet nécessaire de sa vie. Et vainement, après avoir perdu par son crime son objet semblable à lui, chercherait-il à compenser cette perte de sa nature en s’attachant à l’objet non semblable à lui, l’univers extérieur : il se trouve que cet univers est devenu moins fécond pour Caïn par le meurtre d’Abel. Ils devaient tous deux ensemble féconder l’univers ; le meurtre du frère par le frère rend la terre stérile même pour le meurtrier. C’est ainsi, en effet, que la stérilité régna partout où régna l’esclavage, et qu’aujourd’hui même la misère assiège souvent les riches dans nos cités, parce que leurs frères les travailleurs sont encore esclaves. Donc une seconde forme du mal, relative cette fois au méchant et à l’oppresseur, résulte de la violation de la loi de l’unité et de la communion générale des hommes. Le méchant est atteint lui-même par le mal qu’il fait ; il est atteint, dis-je, en vertu du principe même de la vie, qui, par l’objectivité nécessaire, lie indivisiblement sa subjectivité à celle des autres. On se demande ce que