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l’espace au milieu de cette multitude ? Dès que vous n’avez plus de nom pour moi dans ce milliard d’hommes, vous cessez d’être à mes yeux. Enfin vous ne voulez pas de propriété : mais pouvez-vous vivre sans corps ? Je ne vous dirai pas qu’il faut nourrir ce corps, le vêtir, le préserver de mille atteintes, et que vous ne pouvez satisfaire aucun de ces besoins sans vous approprier certaines choses ; mais je vous dirai que ce corps lui-même est une propriété. Ce corps n’est pas vous, quoiqu’il soit de vous ; il est à certains égards une chose et une véritable propriété relativement à la force qu’il manifeste. Par conséquent, cette force ne pouvant se montrer et agir indépendamment de lui, supprimer la propriété, ce serait supprimer cette force. Il est de toute certitude métaphysique que l’idée de l’individualité de chaque homme disparaît, si l’on anéantit l’idée de cet homme en tant qu’ayant une famille, une patrie, et une propriété. Pour que l’homme existe à ses propres yeux et aux yeux des autres, il ne suffit pas qu’il soit une virtualité, il faut que cette virtualité se soit déjà manifestée ; il faut donc qu’elle soit définie, délimitée jusqu’à un certain point, marquée par conséquent au coin du passé. Le passé doit donc se montrer dans l’homme : seulement le passé ne doit pas enchaîner l’avenir.