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la liberté peut lui apporter l’esclavage. La famille a son despotisme, la patrie a le sien, la propriété également. L’homme, par le fait même de sa vie, par le besoin inhérent à son être, constitue donc la famille, la patrie, la propriété ; et il se trouve que ces trois excellents biens deviennent pour lui une triple source de mal. La famille, la patrie, la propriété, doivent-elles donc un jour disparaître de l’humanité ? De loin en loin, dans le cours des siècles, il y a eu des penseurs et des sectes tout entières qui l’ont cru. De nos jours ces penseurs et ces sectes ont de nouveau surgi. Mais telle est l’erreur de ces opinions, que toujours on a vu ceux qui les ont embrassées obligés de soutenir au moins et de conserver, en l’exagérant, un de ces trois termes, soit la famille, soit la patrie, soit la propriété, se contentant d’immoler à celui qui était ainsi conservé les deux autres : preuve remarquable du besoin senti par les sectes dont je parle de laisser à la personnalité humaine quelque chose où s’empreindre et où s’appuyer en même temps. Les moines, ou plutôt, parmi les moines, les anachorètes, ont seuls imaginé de vivre sans famille, sans patrie, sans propriété. Mais on a appelé, avec raison, cette sorte de vie un suicide.

chapitre ii. De la destination de l’homme.