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CONFITOU
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accepter du destin avec une certitude pareille ?

Au lieu d’en rester à cette idée qui était des plus plausibles et tout à fait normale, Raucoux-Desmares se laissa glisser sans frein sur la pente dangereuse où il était entraîné par son fâcheux état d’esprit. Oubliant qu’il n’avait jamais trouvé sa femme ni hypocrite ni sournoise, la patience de Freda qu’il avait admirée devint à ses yeux de la sournoiserie et ses propos consolateurs prirent la proportion subite d’une hideuse hypocrisie. Car enfin, elle savait !… Elle aussi, comme les autres, comme toute l’Allemagne, était « au courant ». Alors qu’on l’entraînait, lui, le naïf Raucoux-Desmares, dans les agapes d’une fraternité universelle, alors qu’on le poussait à des communions pacifistes, où il frayait, non seulement avec la science allemande, mais encore avec la sozialdémocratie, on préparait dans le dos de la France et de ses alliés, le coup du père François !… Elle le savait !… Comment eût-elle ignoré les préparatifs de la grande entreprise, alors que tous ses parents et tous ses amis en étaient. Il en étaient, lorsque, sans murmurer, ils se laissaient écraser d’impôts « pour la guerre ». Ils savaient pour laquelle ! À cause d’elle, ils se courbaient sous la plus abjecte