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CONFITOU

le-mal-peigné ; « Suppen-Caspar » Gaspar le mangeur de soupe ; puis des histoires un peu lourdes de gnomes et de fées qui lui avaient fait plus d’une fois regretter devant Freda la couleur et la bonhomie de nos jolis contes français.

Il jeta le livre, cependant que Confitou se sauvait sans demander d’autre explication.

En hâte, Raucoux-Desmares se rendit à l’hôpital militaire. Jamais encore il n’avait souffert d’une pareille détresse. Les mauvaises nouvelles de la frontière se mêlaient à cette idée que son fils, pendant la guerre, se cachait pour lire des livres allemands ; elles se mêlaient aussi aux souvenirs torturants de la querelle de la veille, avec sa femme, et des baisers de la nuit. Il avait horreur de sa lâcheté.

Comment n’avait-il pas su, dans sa conduite avec Freda, garder une mesure qui lui eût épargné des éclats indignes d’elle et de lui, suivis d’effusions dont la pensée le remplissait de remords ! Car enfin, « pendant ce temps-là », on se massacrait là-haut et le sort du pays se jouait dans les plaines bouillantes de Charleroi ! Comment avait-il pu s’abstraire de l’affreux et sublime drame pour ne vivre que le sien ? Ainsi, pendant que tout le pays veillait,