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CONFITOU
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Il lui jura qu’ils s’aimeraient comme ils se l’étaient promis à la première heure de la guerre, au-dessus de tout et de tous, plus haut que le conflit des hommes… Elle l’écoutait. Il avait une éloquence chaude, vibrante, qui lui avait valu déjà de beaux succès à la Faculté et dans les congrès internationaux. Peut-être fut-elle convaincue ; en tout cas, elle ferma les yeux, ravie, énivrée, étourdie de cette parole, de toute cette parole magique qu’il dépensait pour elle, pour elle toute seule, comme jadis quand ils étaient fiancés et qu’elle accaparait, dans l’ombre amoureuse des terrasses de Bruhl, le fameux Raucoux-Desmares, professeur illustre à quarante ans ! Elle ne lui résista plus. Et, après cet orage, ils s’aimèrent peut-être comme jamais ils ne s’étaient aimés. Seulement, à la première heure, le lendemain matin, les journaux qu’on leur apporta avec le communiqué de la nuit, apprirent à Raucoux-Desmares, que « notre offensive n’avait pas réussi ». Des « éléments de cavalerie » se montraient aux environs de Tourcoing et de Roubaix. Nos troupes se retiraient « sur les emplacements de couverture ». Il sortit de cette chambre, sans un mot, brûlé de remords, comme s’il avait trahi la France.