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CONFITOU

tumes et ses goûts, et concevoir que nous pouvons également choquer l’étranger par certains autres côtés que nous ne soupçonnons même pas.

— Tu ne m’as jamais choquée en rien, dit-elle, et, bien que je ne puisse y toucher, je te regarde manger avec plaisir les grenouilles et les escargots, parce que je sais que tu les adores.

— Tu pleures ?

— Oui ; jamais, avant, tu ne m’aurais dit ce que tu viens de me dire : « Nous autres Français »… Je ne suis donc plus ta femme ? Et Confitou n’est-il plus ton fils ?

— Je te demande pardon, Freda, mais Confitou est si bien de mon avis que lui non plus ne peut souffrir l’horrible mélange. Il mange les confitures et laisse la viande.

Il avait pensé, par cette dernière observation, la faire rire. Elle resta mélancolique. Il constata avec effroi que les moindres paroles contribuaient à creuser, peu à peu, une fosse entre eux, où il tremblait de voir trébucher leur sincère amour. Comme, depuis quelques jours… depuis quelques jours seulement, ils n’osaient plus se parler de la guerre, il en étaient réduits à se dire n’importe quoi. Et cela encore commençait à être une torture sans nom : dire des