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CONFITOU
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temps entre l’hôpital et la mairie. Puisqu’il n’était pas mort de désespoir, il essayait de garder assez de lucidité pour sauver ce qui pouvait l’être encore. Mais, hélas ! il avait en face de lui des brutes déchaînées. Ce qui restait de la population s’était réfugié dans les caves des maisons qui n’avaient pas encore été brûlées. Il savait qu’il y avait des souterrains où l’on mourait de faim et où il n’osait faire porter un pain pour ne point désigner les victimes.

Un soir, au coin de la place des Marronniers, comme il passait tout près d’une fenêtre dont le volet était entr’ouvert, le père Massart, un vieux combattant de 70, perclus de rhumatismes et qui attendait là sur la chaise, qu’il n’avait guère quittée depuis dix ans, qu’on vînt le massacrer, comme les autres, le père Massart, en le reconnaissant, lui avait montré les deux poings.

Raucoux-Desmares avait hâté le pas. Il sentait, derrière lui, la malédiction de toute la ville. Ainsi vécut-il une semaine infernale, au bout de laquelle il apprit qu’on allait fusiller les otages. Il bondit jusqu’à l’abbaye. Cette fois, il fut assez heureux pour tomber sur von Bohn qu’il heurta dans le couloir.