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CONFITOU

quoi te tourmentes-tu ? Je ne suis plus Ailemande ; je t’ai épousée, je suis Française. » Mais elle s’appelait Freda.

La joie de Mme Raucoux-Desmares avait été grande en apprenant que l’autorité militaire maintenait son mari à Saint-Rémy-en-Valois. Ils ne se quitteraient pas ! Elle s’était donnée tout de suite à l’ambulance avec frénésie, mais quand son mari l’avait priée de rester désormais chez elle, elle n’avait fait aucune objection… Depuis, elle travaillait pour les blessés, à domicile, où elle passait son temps à attendre son Pierre.

Maintenant qu’elle était sûre qu’il n’allait pas se battre, la guerre semblait lui être devenue indifférente. Mais la pensée qu’elle se faisait des sentiments de son mari sur leur situation exceptionnelle l’exaltait ou l’abattait, tour à tour, avec une force ou une langueur singulières. Elle répétait souvent : « M’aimes-tu toujours autant ? »

— Plus ! lui répondait-il.

Elle secouait la tête. Elle ne le croyait pas. Elle avait tort, car c’était vrai.

Or, c’était justement cela qui faisait le tourment caché de Raucoux-Desmares. Il l’aimait davantage, et cependant il la fuyait. Depuis