Page:Leroux - Confitou.djvu/203

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CONFITOU
193

aimé jusqu’à cette neige qui tombait si tristement sur les lauriers verts que tendaient en tremblant les vieux professeurs de l’Albertina… J’ai aimé cette petite cour et ces tilleuls aux troncs noirs sous lesquels Kant a poursuivi la sagesse, où il l’a rejointe, où il lui a ravi l’une des plus belles règles de l’esprit humain, où il a promené son manteau de philosophe avec grâce et en homme libre !…

Il y eut quelques secondes d’un silence profond. La voix de Raucoux-Desmares avait tremblé d’émotion sur ces derniers mots et en homme libre ! Ils attendaient encore qu’il parlât. La fumée des pipes et des cigares semblait s’être dissipée autour de lui, ne lui laissant qu’une sorte d’auréole dans laquelle rayonnait son beau front pur et où brûlaient du feu de l’intelligence ses yeux clairs… Quelqu’un laissa tomber la fameuse phrase : Les deux étoilés au-dessus de ma tête, la loi morale en moi ! et ce quelqu’un était un Allemand. Raucoux-Desmares le fixa aussitôt d’une façon singulière :

— Je vois que vous n’avez pas oublié l’impératif catégorique, dit-il. Tant mieux. Dans cette guerre, cela pourra vous être utile !

— Che grois pien ! approuva von Bohn en