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CONFITOU

son petit hôtel champêtre ; il franchit le pont rustique jeté sur le ruisseau aux eaux claires qui borde la propriété, il traverse le pré aux herbes grasses planté de pommiers tordus ; son regard au-dessus d’un mur va chercher la fenêtre du premier étage où, dans une veille insensée, sa jeune femme, à l’ordinaire, attend, pendant des heures, sa venue. Mais ce matin, toute la maison semble avoir encore son visage de bois. Il pense, satisfait « qu’on a été plus raisonnable », et qu’on a enfin consenti à prendre quelque repos, même en son absence.

Au bout du verger, il pousse une porte, et le voilà dans la cour de derrière que la Génie Boulard, la seule domestique restée à la maison, commence de balayer en chantant (à mi-voix depuis la guerre et d’un ton toujours courroucé ) ses éternelles chansons : « L’Amour est menteur, garde ton cœur… »

— Madame s’est couchée de bonne heure ?

— Pense pas, m’sieur ! L’ai entendue toute la nuit qui travaillait dans la lingerie pour les blessés de m’sieur ! M’sieur a-t-il des nouvelles ?

— On ne sait encore rien, la Génie…

Il est déjà dans la maison. Il gravit l’escalier et pousse les portes du premier étage avec de grandes précautions. Le jour qui vient de