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CONFITOU

solitaire. Lui aussi avait voulu partir malgré ses cinquante ans ; oubliant que l’on allait avoir besoin de son scalpel, il avait demandé un fusil. Il eût voulu être au premier rang. Il eût voulu être le premier mort !…

Plus qu’aucun autre il estimait qu’il devait son sang à la France, et, à la vérité, Raucoux-Desmares avait, pour penser ainsi, deux bonnes raisons.

La première était que nul plus que lui n’avait contribué à désarmer son pays par ses discours toujours amis d’un compromis universel, par sa propagande pacifiste dans les congrès internationaux d’où il revenait avec des assurances de bonne volonté et des paroles de miel apportées d’outre-Rhin. Son excuse, aux yeux des autres, avait été sa sincérité aveugle, son amour profond de l’humanité, une foi dans le progrès, éblouissante, qui ne lui avait point permis de voir qu’il n’était pas suivi par ceux mêmes qui l’y avaient poussé sur la route trompeuse, bordée de palmes, au bout de laquelle nous allions nous heurter à quatre millions d’hommes en armes…

Quant à lui, il s’était refusé à trouver dans une aussi étourdissante confiance une atténuation à ce qu’il appelait son crime et sa