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CONFITOU
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visage de Raucoux-Desmares était sombre.

Sa haute taille légèrement courbée, les deux poings dans les poches de sa vareuse, le front soucieux derrière la visière baissée de son képi, il prit à travers champs pour gagner le faubourg campagnard où, depuis dix ans, il cachait assez jalousement son bonheur domestique. Deux kilomètres à peine le séparaient de son petit hôtel dont les toits d’ardoise luisaient là-bas, tout au bout de la plaine, entre deux bouquets de gros hêtres, sous la première caresse du soleil levant.

On avait dépassé la mi-août ; et la moisson de tout ce coin de campagne, entre la rivière et les grands bois, était encore en javelles, les gerbes abandonnées sur la terre, comme si les bras avaient, tout à coup, manqué pour les ramasser. Au bout d’un champ de blé, quelques javelottes, dressées hâtivement en faisceaux, attestaient le travail interrompu et, par la silhouette guerrière de leur alignement sur l’horizon déjà couleur de sang, rappelaient au pied de quels autres faisceaux les paysans du Valois et de toute la terre de France étaient allés dormir ou veiller…

Raucoux-Desmares suspendit un instant sa marche pensive au milieu de la grande plaine