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CONFITOU

une angoisse indicible. Toute sa colère était tombée. Et elle se sentait au bord d’un abîme. Elle avait la sensation très nette que le moindre faux pas pouvait la précipiter et qu’alors il ne ferait pas un geste pour la ramener à lui.

— Qu’est-ce que tu as, Pierre, qu’est-ce que tu as ?

— Je vais te raconter une histoire, dit-il enfin… ce n’est pas une histoire de caporal… c’est Clamart, le maire, qui me l’a certifiée tout à l’heure. Tu pourras la croire, celle-là, le cadavre est près d’ici.il est encore tout chaud.

— Quel cadavre ? balbutia-t-elle.

— Celui du père Méringot. Oui, le marchand de blé ! Il vient de se tuer. L’affaire s’est passée il y a une heure… Méringot, chez qui on était allé perquisitionner, venait d’apprendre que son gendre, qu’il avait donné avec tant de fierté à sa fille, était Allemand, espion allemand, et que cet espion venait d’être fusillé !… Eh bien ! je dis que des gens qui n’hésitent pas à pénétrer ainsi dans les familles, à capter la confiance et la fortune du père, et le cœur de la fille, je dis que ces gens-là n’ont pas d’honneur !… Je dis qu’un peuple qui a fait de l’espionnage une vertu nationale est un méchant peuple ! capable de tous les crimes car, avant