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BALAOO

« C’est à ce moment (je verrai cela toute ma vie). Ma mère, devant la maladresse et la fatigue des petits, venait de les coucher dans ses bras et commençait de les endormir en les berçant et en chantant une douce chanson des marécages. Ah ! Patti Palang-Kaing ! Ceux de la Race sont arrivés alors… Et ils ont lancé sur moi un filet dans lequel je me débattais, pendant que ma mère s’enfuyait pour sauver mon petit frère et ma petite sœur, en me jetant un cri d’adieu.

Ceux de la Race ont eu beaucoup de chance que mon père ait été occupé ailleurs dans la forêt, ce jour-là… Oui, c’est ici, ma forêt de Bandang ! Ah ! Patti Palang-Kaing ! reverrais-je jamais, et mon père qui tonnait si fort, et ma mère qui présidait à nos jeux, et mon petit frère et ma petite sœur qui tombaient et se roulaient sur l’herbe comme de jeunes chevreaux malhabiles[1].

Balaoo ne retrouva pas ses parents. Et il put voir qu’il avait été oublié de ses amis de la forêt, depuis bien longtemps.

Le village des marécages avait disparu. Mais Balaoo reconstruisit les huttes sur les racines en triangle des mangliers géants. Et tous quatre, Gertrude, Coriolis et Zoé et lui vécurent en cet endroit avec tranquillité. Gertrude se faisait très vieille et ne bougeait plus, occupée à tricoter des chaussettes que Balaoo ne mettait plus jamais, car il se promenait maintenant avec ses doigts de pieds sans souliers.

Zoé s’était faite la servante active et de plus en plus sauvage de ses deux maîtres. Elle ne parlait à Balaoo qu’à la troisième personne singe. Elle avait oublié les

  1. Lire encore le livre de Louis Jacolliot où il décrit une scène de famille grand singe, absolument semblable à celle-là.