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BALAOO

ces horreurs, je prenais, désespéré, le chemin de Pierrefeu ; j’avais voulu revoir Madeleine, tout simplement ; je l’ai revue à travers les vitres du wagon, mais l’Autre a voulu me tuer et je regrette bien qu’il n’ait pas réussi.

Coriolis serra le bras de Balaoo affectueusement. Alors, Balaoo lui rendit humblement sa pression et baissa le front en finissant…

— Oui, je ne demande plus qu’à mourir… qu’à mourir dans ces lieux qui l’ont connue, qui ont entendu sa douce voix quand elle appelait : Balaoo !… Balaoo !… Balaoo !… Ma seule joie maintenant sera de reconnaître les arbres au pied desquels nous nous asseyions, quand elle voulait m’instruire de quelque histoire nouvelle… Ici… je retrouverai partout son image… Patti Palang-Kaing est bon !… Ah ! je saurai mourir ici…

Coriolis voulait en vain le faire taire. Balaoo ne pensait qu’à Madeleine et se plaisait douloureusement à confier sa pensée à toutes les branches du chemin. Il dépérissait visiblement. Il ne sortait de son rêve que pour parler de Paul et Virginie dont l’histoire lui agréait par-dessus tout parce qu’il y trouvait de la ressemblance avec ses propres malheurs. Et, comme Paul, après le départ de Virginie, il revit tous les lieux où il s’était trouvé avec la compagne de son enfance, tous les endroits qui lui rappelaient leurs inquiétudes, leurs jeux, leurs repas champêtres et la bienfaisance de sa petite sœur bien-aimée… un jeune bouleau qu’elle avait planté, les tapis de mousse où elle aimait à courir, les carrefours de la forêt où elle se plaisait à chanter et où leurs deux voix s’étaient mêlées avec leurs deux noms : Balaoo !… Madeleine !…

Au bout de cinq jours, il se coucha ; et Coriolis put croire que c’était pour ne plus se relever.